Un enfant voit le jour sur une île déserte située au niveau de l’équateur. Ce garçon, qui n’a ni père ni mère connus, est élevé par une gazelle. Il s’éveille seul à la connaissance du monde d’où le titre du livre puis à celle du divin. C’est alors qu’un nommé Açâl fait naufrage sur l’île… Livre majeur dans l’histoire des littératures arabomusulmanes, il l’est aussi en Occident dès le XIIe siècle, inspirant à Daniel Defoe ses personnages de Robinson et de Vendredi, ou encore à Voltaire ses contes philosophiques.
Abu Bakr Mohammed ben Abd-el-Malik ben Tufayl el-Qaïci, dit Ibn Tufayl est un philosophe andalou, astronome, médecin, mathématicien, mutazile et mystique soufi. Il est né en 1110 à Wadi-Asch et mort en 1185 à Marrakech. Il est également connu en Occident sous le nom d’Abubacer.
Hayy ibn Yaqdhan est un traité philosophique et mystique, qui s’appuie sur la pensée d’Avicenne et le soufisme, sous forme de roman allégorique. Le livre est également fortement ancré dans la pensée néoplatonicienne et aristotélicienne.
Le livre met en scène un enfant, vivant seul sur une île déserte au niveau de l’équateur. Cet enfant qui n’a ni père ni mère connus, est élevé par une gazelle. Il s’éveille seul à la connaissance du monde puis à la connaissance de Dieu. Hayy va finalement au contact de la civilisation et la religion « codifiée » quand il rencontre un naufragé nommé Absâl. Il découvre également certains signes extérieurs de la religion en société auxquels il adhère car il les juge cohérents avec son intuition-conscience du divin. Mais bien qu’il reconnaisse que beaucoup de codes sont nécessaires pour la majorité, afin qu’ils puissent avoir une vie décente, il pense surtout que cette société est enfermée dans son dogmatisme et manque d’ouverture pour une véritable quête du divin. Il finit alors par quitter la société pour retourner sur son île avec son ami Absal et s’échapper de toute distraction.

Hayy ibn Yaqdhan est écrit comme une réponse à l’Incohérence des philosophes d’Al-Ghazâlî. Au xiiie siècle, Ibn Nafis écrit Al-Risalah al-Kamiliyyah fil Siera al-Nabawiyyah (connu sous le nom Theologus Autodidactus en Occident) comme une réponse au Hayy ibn Yaqdhan (Philosophus Autodidactus) d’Ibn Tufayl. Le titre du récit et l’argument de l’histoire reprennent une œuvre d’Avicenne.



Portée et influence

Hayy ibn Yaqdhan a eu une grande influence sur la littérature arabe et européenne au point de devenir un best-seller en Europe occidentale du xviie au xviiie siècle. Ce travail a également eu une influence profonde à la fois sur la philosophie islamique et la philosophie moderne occidentale. Il devient même « un des plus importants livres à préfigurer la révolution scientifique et le siècle des Lumières », et les pensées véhiculées dans ce livre se retrouvent à différents degrés dans les travaux de Thomas Hobbes, John Locke, Isaac Newton et Emmanuel Kant.
À travers Hayy ibn Yaqdhan, Ibn Tufayl est le premier à introduire dans la pensée philosophique les concepts d’autoformation et surtout de tabula rasa.
La première traduction latine date de 1671 et a pour titre Philosophus Autodidactus. Elle fut écrite par Edward Pocock (le jeune). La première traduction anglaise date de 1708 par Simon Ockley et la traduction française est celle de Léon Gauthier datant de 1900.

 

Le philosophe français Jean-Baptiste Brenet a adapté “Hayy ibn Yaqzân” d’Ibn Tufayl dans de fluides versets qui restituent le mouvement du chef d’œuvre andalou.

En sept fois sept ans, un homme à la naissance obscure, élevé sur une île déserte par une gazelle, découvre le monde, le monde sensible puis le monde intelligible, par sa seule raison. “Le Coran et Les Mille et Une Nuits mis à part, jamais sans doute l’Europe n’aura lu autant un texte arabe”, avant de l’oublier, rappelle Jean-Baptiste Brenet. Son adaptation de la traduction de Léon Gauthier (1936) donne la parole à Vivant fils d’Éveillé et restitue avec élégance la finesse des intuitions et la force de la recherche du héros de ce classique, emblème de “ce que philosopher veut dire dans l’Andalousie musulmane du XIIe siècle, de ce qu’être humain, intelligent et heureux pouvait alors signifier”. On suit donc Vivant fils d’Éveillé dans les stations de sa quête, d’abord expérimentale, “sans mots, sans livres, sans maître ni Révélation” jusqu’à la métaphysique et à la mystique.