Il est de coutume de dire qu’au Maroc, si tu as de l’argent tu accèdes à tout, surtout à l’impunité. Cette assertion est sûrement exagérée, mais force est de constater qu’on passe parfois par des situations qui la confortent. C’est ce que j’ai vécu ces derniers jours. Je vous la raconte.
J’habite un quartier résidentiel, le quartier Ksaibi pour ne pas le nommer, constitué de villas, mais de villas dont plusieurs font deux, voire trois étages. Autant dire qu’il ne s’agit plus de villas mais de petits immeubles qui se surplombent et dont certains restent à découvert.
Depuis quelques semaines, nos voisins qui avait acheté une villa à découvert, parce qu’elle se trouve en aval de notre résidence, avait ajouté, il y a quelques années de cela, un deuxième étage, (sans autorisation bien sûr. On ne va pas perdre son temps à demander une autorisation de construire quand il suffit de graisser quelques pattes) pour se prémunir, selon leurs dires, du « voyeurisme » des autres.
Récemment, ils ont décidé de sacrifier leur jardin, d’y construire un garage et de soulever un mur (toujours sans autorisation, cela va sans dire) de façon à ce que leurs fenêtres ne soient plus à portée de vue des voisins lorsque ceux-ci prennent les marches pour accéder à leur appartement (voir les photos).
Je trouve tout à fait légitime qu’une famille cherche à se barricader pour se protéger des regards des autres, seulement, ce que je trouve exagéré, c’est de devenir parano parce qu’on croit que tout le monde n’a rien à foutre que de se mettre à la fenêtre ou au balcon pour espionner ses voisins. Paranoïa quand tu nous prend.
Pour se protéger, la pire des solutions a été choisie, à savoir bétonner le jardin, le convertir en garage et bâtir un mur de briques qui a atrocement enlaidi la résidence.
Nous avons proposé d’autres solutions moins couteuses pour cacher la villa des regards et pour sauvegarder l’esthétique de l’entrée de la résidence. Que nenni. Les voisins ont choisi la brique et le béton armé.
Bref, je vous passe les détails et j’en arrive à notre intervention auprès des autorités pour arrêter cette mascarade.
Croyez-vous que les autorités ont réagi ? Bien sûr que oui. Le caid, le chikh et d’autres agents sont venus le mercredi 28. Ils ont fait un état des lieux sous les cris et les insultes du voisin et sont repartis en ordonnant (du moins en apparence) la destruction du mur dans les 24 heures, sinon ils le feront eux-mêmes le jeudi à 10h (je donne les détails exprès en précisant qu’ils n’ont pas exigé la destruction du garage qui a été construit illégalement, mais passons).
Le jeudi matin (jour du souk), le caïd et des agents ont été vus au Souk de Souani pour mettre de l’ordre dans le désordre des vendeurs ambulants. Seulement voilà, notre cher voisin qui avait insulté tout le monde la veille, s’y trouvait aussi et il a, selon des témoins, arrêté sa moto devant la voiture du caid et a discuté longtemps avec lui. Que se sont-ils dit ? personne ne le sait ; ce qu’on sait par contre, c’est que non seulement le mur n’a pas été détruit, mais dès le vendredi 30, les travaux ont repris dans une impunité totale.
Comme aucun voisin de notre immeuble ne bougeait le petit doigt, alors qu’ils se sont tous indignés au début, j’ai dû rendre visite, le même vendredi, au caïd pour lui dire qu’il faut que la loi soit respectée et que si nos voisins croient vraiment qu’ils n’ont pas d’intimité, il y a des solutions plus esthétiques à proposer à part ce mur de briques.
Qu’elle n’a pas été ma surprise lorsque revenant chez moi, je trouve 3 maçons en train de continuer les travaux, comme si de rien n’était, comme si on nous narguait en nous disant : « allez où vous voulez ! On vous emmerde. Nous, on a de l’argent; nous, on achète tout et on fait ce qu’on veut. »
Le voisin criait sur les maçons : “كملو شوغلكم، وخلي اه يضرب راسو مع الحيط” ( terminez votre besogne et laissez-le se congner la tête contre le mur)
Quant à sa femme, elle criait un peu plus tard, à mon attention :
« جماليات الاقامة… قلك جماليات الاقامة… الى بغا الجماليات، يمشي ن البحر اولا ن الرميلات »
(Esthétique de la résidence… il a dit esthétique de la résidence… S’il veut l’esthétique, il n’a qu’à aller à la mer ou à Rmilates)
Il se trouve que je n’ai parlé de « جماليات الاقامة » qu’au Caïd.
Moralité ???????
Déduisez ce que vous voulez.




