Par Philippe GUIGUET BOLOGNE

EXTRAIT P. 50 :
[…] Hani Amra est pacifiste. Il réserve les explosions à ses œuvres. Il sait que collage peut être un vocable terriblement proche de collapse. Ainsi, il raconte dans ce chuchotement qui lui est propre, tout en délicatesse, l’effroi des déflagrations qui l’ont continument accablé, chaque seconde de sa vie. J’ai commencé en 2018 à recevoir les images des collages qu’il diffusait sur les réseaux sociaux pour ses amis. C’est ainsi que j’ai entrepris de collectionner les copies virtuelles de ses œuvres, petites étiquettes numériques, tout d’abord pour le plaisir et par curiosité, ensuite pour essayer de me constituer une vision globale de cette œuvre en devenir, enfin pour tenter de saisir la direction que prenait ce travail. Mon attention a tout d’abord été attirée par les collages de la série intitulée Casual Matters. J’ai immédiatement pensé que là, dans ce travail, dans ces images, résidait une dimension de l’essentialité d’une situation, un propos – qui relèvera bien entendu d’une lecture, d’une interprétation – qui me parlait autant de la vie de Hani Amra à Jérusalem que de notre temps.

EXTRAIT P. 139 :
[…] Mon discours s’est cristallisé autour de l’œuvre d’un artiste palestinien, Hani Amra, ne l’oublions pas. Pour être entièrement honnête, je dois néanmoins préciser combien je ressens profondément que le manque absolu de discernement de la politique coloniale, d’apartheid et ethnocidaire d’Israël me paraît desservir gravement ce judaïsme que j’ai toujours admiré, attisant haines et malentendus à des fins politiques, choisissant la terreur plutôt que l’adhésion par la justesse et la justice.
[…] Des manœuvres et des agissements aussi aveugles et inconséquents me semblent foncièrement préjudiciables, voire criminels, en- vers le judaïsme lui-même qui, s’il n’y perd son âme, y verra ses contempteurs gravement confortés. Bien évidemment, je me mobiliserai et me mettrai en danger de la même façon que je le fais pour les Palestiniens aujourd’hui, afin de dénoncer tout crime contre la communauté juive si elle se trouvait, un jour, dans une vulnérabilité semblable.

Résumé
Dans un texte d’une étonnante densité, entre l’essai ontologique sur l’art du collage et un long poème tout en dérives et résonances, Philippe Guiguet Bologne nous amène à nous questionner autour de l’œuvre du Jérusalémite Hani Amra, mais aussi sur le colonialisme, sur l’occupation et sur la résilience, sur le sens de l’engagement et celui de la morale, sur l’Unité, la dualité et la multiplicité, sur la cohérence et la pertinence – deux traits qui restent particulièrement chers à l’auteur… Il interroge cette œuvre, qu’il tente de cerner à touches de rencontres édifiantes avec Stéphane Hessel, d’une étrange aventure avec Ernest Pignon-Ernest, en suivant l’ombre et les poèmes de Mahmoud Darwish, les généalogies des Nashashibi et des Joudeh, en parcourant les paysages striés de la Cisjordanie, les lignes de crêtes qui relient Jérusalem, en frôlant fébrilement les colonies qui couronnent avec arrogance les collines de la Judée archipélisée. Avec un parti pris évident et radical qui ne doit en rien marquer sa réelle judéophilie, il dresse le portrait tout en bris, en débris et en morcellements, d’une Terre sainte brisée, d’une société en miettes et d’une morale en lambeaux : un collage défait, qu’il nous nous invite à recomposer. En évoquant la déliquescence soulevée par l’œuvre de Hani Amra, et les effets de miroir qu’il y a puisés, il nous convie à tenter de retrouver un fil de l’éthique.

Note de l’éditeur
Éditeur indépendant engagé, il m’a semblé important de publier ce texte de Philippe Guiguet Bologne après son ‘Jerusalem Hotel’, la quête d’un poète en Palestine occupée (2016) et Ce qui nous restera (2018).
Comment ne pas succomber au charme empreint de nostalgie de ce Collapse : récit sans concession qui nous entraîne, dans un poignant souffle épique à partir des réminiscences de jeunesse, sur les traces des rencontres et échanges fructueux avec Stéphane Hessel, Ernest Pignon-Ernest, puis surtout celle de l’énigmatique artiste palestinien Hani Amra dont il dissèque avec une grande maîtrise le cheminement.
Armand Caspar, Scribest.

Se procurer le livre
Réflexions à partir de l’œuvre occupée de Hani Amra (Collapse – Collages, débris & écrits) est disponible sur www.scribest.fr (votre libraires peut l’y commander) et, à Tanger, aux librairies des Colonnes (peut fournir tout le Maroc), les Insolites et à la Galerie Conil.


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DESCRIPTIF / FICHE TECHNIQUE :
― Texte revu et corrigé par l’auteur ―
Collection Les Contemporains – Série Les Cahiers du passeur n° 4
ISBN 979-10-92758-23-8 – ISSN 2556-997X
Livre broché – Format 13,5 x 19 cm – 144 pages
Avec planches couleur en reproduction de 16 collages de Hani AMRA
Dépôt légal BnF 1re édit. : août 2022